Italo De Grandi : peintre et sculpteur (1912-1988)
“Nous savons tous que le monde est de moins en moins semblable à ces images d’harmonie ; mais de tels fragments de l’espace, de tels moments privilégiés du temps, ces “enclaves” chères à Gustave Roud, n’en subissent pas moins, plus précieux même d’être plus menacés.”
Il faut un regard resté pur, presque enfantin […] pour les voir encore ; et une main très sûre pour les fixer sans les figer. Italo avait l’un et l’autre.”
Philippe Jaccottet
dans Grignan aquarelles, Italo De Grandi, Genoud, 1993
Origines
Très tôt Italo manifeste un vif intérêt pour la représentation graphique de ce qu’il voit : il dessine partout, tout le temps et peint chaque fois que son apprentissage puis son travail de lithographe et de graphiste lui en laissent la possibilité.
En 1933 il expose pour la première fois, au Musée Jenisch à Vevey.
Durant l’année 1934 il séjourne à Florence et à Sienne, voit tout, connaît tout, dessine tout.
Élans juvéniles : 1929-1939
Avec son frère Vincent ils sont tous deux élèves de Jacques Berger puis du peintre français Gaston Vaudou qui vit au bord du lac à Corseaux et avec lequel ils séjourneront plus tard à Champtoceaux dans la Loire et au Pornic en Bretagne.
De ce compagnonnage naîtra une amitié profonde et gaie qui se transmettra à leurs enfants et liera les deux familles.
En 1936 Italo emmène son frère Vincent à Paris où ils travailleront durant deux ans en réponse à l’appel du peintre et créateur de tapisseries Jean Lurçat. Ils collaborent à la réalisation de travaux pour l’Exposition universelle de 1937 et réalisent les mosaïques du Pavillon de la Manufacture nationale de Sèvres ainsi que divers cartons de tapisseries exécutées aux Manufactures des Gobelins et d’Aubusson.
Après leur retour à Vevey en 1938 Italo épouse Elisabeth Huguenin avec laquelle il aura deux filles et deux garçons.
En 1939 Italo s’installe dans sa nouvelle maison-atelier construite à Corseaux par Alberto Sartoris.
Sérigraphie et vacances : 1940-1968
En 1944, il ouvre avec son frère Vincent, à Corseaux, un atelier d’arts graphiques voué à la création d’affiches, de posters, d’étiquettes de vins, d’emballages de cigarettes, de cosmétiques, de parfum ou de chocolat.
C’est dans le cadre de cette activité qu’ils développent la sérigraphie, faisant évoluer cette technique, à la base plutôt rudimentaire, jusqu’à parvenir à l’utiliser pour réaliser des estampes d’art.
Parallèlement, Italo De Grandi continue à peindre, en particulier des gouaches sur l’Adriatique ou dans la Loire chez son ami Gaston Vaudou. En 1956 il est admis à la Société des peintres, sculpteurs et architectes suisses.
La Beauté du monde : 1969-1984
En 1965 ses enfants ayant accompli leurs études, il décide d’abandonner les arts graphiques et la sérigraphie pour s’adonner exclusivement à la peinture.
Son ami le peintre Gérard de Palézieux l’encourage en lui proposant, en 1966, de séjourner dans le cabanon qu’il possède à Grignan dans la Drôme. Italo tombe amoureux de ce pays alors encore à l’écart des circuits touristiques et lui rappelant l’Italie de son enfance. Il y retourne de plus en plus souvent et y acquiert en 1972 une maison en ruine qu’il restaure de ses mains.
Il s’y installe, rencontre de fertiles amitiés notamment celles de l’écrivain, poète et traducteur Philippe Jaccottet, des facteurs de clavecins Escher et Weland et du peintre Michel Forat. Heureux d’y vivre pratiquement en autarcie, il ne revient que sporadiquement en Suisse, notamment pour exposer à Lausanne à la Galerie Vallotton ainsi qu’à Vevey, Genève, Bâle, Berne et Sierre.
Dès lors s’ouvre une période très féconde : dessins (crayon, mine de plomb, sanguine, fusain), huiles, aquarelles, lavis, décorations de céramiques crées par sa fille aînée Vincenza.
En outre, Italo construit une dépendance à sa maison de Grignan pour y installer une forge : depuis plusieurs années, son goût de se mesurer à la matière l’avait conduit à maîtriser les techniques du fer battu. Il réalisera ainsi de nombreuses sculptures, parfois monumentales (« Evocation ») ainsi qu’un cadran solaire pour la ville d’Aubonne et une croix pour la tombe de Corinna Bille à Veyras. Italo De Grandi a trouvé une inspiration enthousiaste dans les paysages et la ville de Grignan.
Réminiscences et fantaisie : 1985-1988
Dès 1980, Italo séjourne chaque hiver à Venise, attiré par les infinies variations des rapports de la pierre, de l’eau et du ciel, par les caprices muets des brumes ou la transparence musicale de l’air. Il en ramène des brassées d’aquarelles sereines ou tragiques, somptueuses et délicates, énigmatiques ou gaiement ravies à l’instant fugace et dans lesquelles la menace de l’impermanence de la ville rongée par l’érosion glisse hors du temps.
Italo De Grandi décède à Corseaux en automne 1988. Une rétrospective posthume a eu lieu au Musée Jenisch en 1993.
Source : Catalogue de l’exposition “Italo et Vincent De Grandi”
en 2017, au musée L’Atelier De Grandi à Corseaux-sur-Vevey.