Vincent De Grandi : peintre (1916 – 2010)
Vincent est de quatre ans le cadet d’Italo. De constitution plus frêle, il est victime d’une méningite dans l’enfance et perd l’usage d’un œil. Ce handicap est peutêtre à l’origine de son option de ne jamais peindre sur le motif, à moins que ce choix relève de la conscience qu’il a d’être doté d’une imagination qu’il préfère à la réalité.
Autodidacte, en dehors de la fréquentation d’une École des Arts et Métiers et de quelques cours de peinture, Vincent ne peint jamais de paysages, de personnages ou d’objets existants. Par contre, il est passé maître dans l’art de représenter l’impression qu’il a ressentie devant un paysage, l’atmosphère dans laquelle se déroule un événement auquel il assiste ou les sentiments qu’il projette dans sa vision sensuelle d’un monde idéal.
Très observateur, Il se promène, musarde, flaire, fait des rencontres, se remplit de perceptions et d’images qu’il distille ensuite, en atelier, en des compositions, toujours figuratives, exprimant l’atmosphère d’une scène, son désir d’harmonie, sa vénération pour la beauté du monde, son goût pour toutes chairs, ses fantasmes souvent abandonniques ou ses rêves tantôt cocasses tantôt énigmatiques.
Tout serait-il simplement beau, calme, voire drolatique et cocasse ou sommesnous dans l’ombre d’une fantaisie métaphysique ? Quoi qu’il en soit, regarder la peinture de Vincent c’est découvrir une touche et une palette totalement originales, au service de compositions inattendues, dans une tonalité très italienne évoquant Calvino, Buzzatti, Pirandello ou Fellini. Dépassant la description, Vincent convoque la quintessence du charme, de l’intimité, de la fête, de la lumière et du désir comme celle des horizons, des intérieurs secrets, des fruits, d’un souffle d’air ou du corps féminin.
Parfois avec humour, mais jamais sans se départir d’une sourde gravité, sa peinture ne se limite pas à pénétrer le regard : elle confie un secret, installe un bonheur et trouve une cheminement durable dans la mémoire de celui qui l’aura rencontrée.
La vie de Vincent est indissociable de celle de son frère : tous deux travaillent ensemble et vivent dans une étroite proximité avec leurs familles respectives; Vincent a épousé Alexandrine avec laquelle il a eu deux filles. Ensemble, ils ont élaboré certaines grandes toiles de leur jeunesse. Plus tard ils ont conçu et réalisé à quatre mains les estampes qui témoignent de leur maîtrise de la sérigraphie et des progrès techniques majeurs qu’ils ont apportés à cet artisanat.
Formant un tandem fusionnel avec Italo, Vincent cessa pratiquement toute production artistique après la mort de son frère. Lui même décédera en 2010, à l’âge de 94 ans